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la décroissance, une idée vieille « comme le monde », et pourtant d'actualité
Avec nos vélos, nous avons accompagné les marcheurs pour la bonne cause de la décroissance1 dans leur dernière « ligne droite » (Compte-rendu dans Le Monde2).
Aussi « illusoire » que ce rêve puisse
paraître à certains, nous y avons participé, pour
dire qu'au moins pour nous elle est porteuse d'à-venir!
Et
pour constater qu'il est bon et salutaire de partager son rêve,
modeste et fou, avec d'autres terriens.
Pour remercier les organisateurs, et pour souligner que l'idée ne date pas d'hier, ou si vous voulez en guise de cadeau, voici la traduction d'un quatrain, attribué à Khayyâm selon un livre ancien gardé dans la bibliothèque du parlement iranien :
Des biens (du Monde), pour te vêtir ou te nourrir Pardonnés seront tes efforts pour en acquérir. Tout le reste : même gratuit : trop cher. Prends garde ! A ne pas vendre ta vie précieuse pour l'obtenir.3Ceci rejoint certains slogans, lus ou entendus pendant la marche (comme « moins de biens, plus de liens »).
1Pour plus d'infos, vous avez, entre autres, ceci ou cela. Vous pourrez aussi lire les sages comme A. EINSTEIN, B. RUSSELL ou A. JACQUARD.
2LE
MONDE | 05.07.05 | 13h48 • Mis à jour le
05.07.05 | 13h48
SERMOISE-SUR-LOIRE (Nièvre) de notre
envoyé spécial
A pied, à vélo,
par covoiturage ou en train, ils sont arrivés, dimanche 3
juillet, devant la mairie du village de Magny-Cours. A un jet de
pierre du circuit où allait se tenir le Grand prix de
France.
Partis à 80 de Lyon, le 7 juin (Le Monde du 8
juin), les militants de la décroissance étaient plus
de 400 à demander la suppression de ce "divertissement
pour vingt gosses de riches qui tournent en rond, ultime symbole de
tous les gaspillages". Alors que les imposants motor-home des
écuries de F1 installées non loin offraient à
quelques privilégiés leur luxe ostentatoire, les
marcheurs pour la décroissance ont planté leur bivouac
dans un modeste champ prêté par un paysan. Comme à
chaque étape, le lieu a été l'occasion d'un
débat où, en signe d'accord, on agite les mains pour
saluer en silence un orateur. Une marmite destinée à
cuire un repas agrémenté de plantes sauvages trônait
dans l'herbe. "Faites l'amour pas la course", avait peint
Elise, 19 ans, une étudiante "venue du coin", un
brin d'herbe aux lèvres.
"Le choix, ça
n'est pas décroissance ou croissance, mais c'est décroissance
ou récession. Est-ce que l'on attend la régulation par
le chaos ?", a lancé François Schneider, 38 ans,
docteur en économie et initiateur de cette action non
violente au côté de l'ânesse Jujube, qui depuis
près d'un an parcourt le pays : "Je suis un missionnaire
de la décroissance après avoir été un
démissionnaire de la croissance." Le monde de la F1 et
celui des alternatifs ne se sont pas croisés, cependant. Les
maîtres de la course de vitesse ont ignoré les
marcheurs et leurs soutiens charismatiques, José Bové
et Albert Jacquard.
Si la désobéissance civique
n'était pas au menu de cette marche, elle a fait l'objet de
la plaidoirie du leader de la Confédération paysanne.
Debout sur l'un des deux barils de pétrole que Jujube et
François Schneider ont symboliquement portés à
l'entrée du circuit, José Bové a fustigé
"la marchandisation du vivant", "la prise en otage de
nos vies". Arrivé en retard parce que "[son]
chauffeur avait oublié sa Ferrari", le biologiste Albert
Jacquard a dénoncé de sa voix ténue cette
"stupidité monstrueuse, ce jeu qui donne l'idée
que nous sommes forcément ici pour devoir l'emporter sur les
autres".
En 1878, Robert Louis Stevenson et Modestine
avaient entamé pendant treize jours leur Voyage avec un âne
dans les Cévennes. L'écrivain écossais désireux
de "quitter le lit douillet de la civilisation" n'aurait
certainement pas désavoué cette singulière
aventure moderne.
Jean-Jacques Larrochelle
Article paru dans
l'édition du 06.07.05
3Version originale, transcrit à l'aide de l'alphabet latin :
Az mâya ze Donyâ, ke xori yâ puši Ma'azuri agar dar talab aš mikuši Bâqi hama râygân nay arzad, Z'inhâr ! Tâ omr e grân-mâya bed ân na fruši.