Dernière mise à jour : 21/03/20054

 

Jeux de langage 

résumé "philosophique" du cours de Professeur J.P. Changeux

Collège de France    mars-mai 2001, Paris, misa à jour 2005

(Après avoir mis cette branche sur le réseau, je viens de découvrir les résumés des ses cours sur le site du collège de France.) C'est plus qu'espéré ! Régalez-vous, et merci au Collège.

Ci-dessous, je vais juste mentionner ce qui m'a le plus touché d'un point de vue "philosophique", c'est à dire le plus général.

 Paradoxe de non-linéarité entre le nombre de gènes et Neurones chez vivants

gène = élément d'ADN qui code pour le protéine

gènes humaines, le double de mouche et de vers,

7% de protéines nouvelles chez les vertébrés par rapport aux invertébrés (mouches et vers).

  No de gènes No de Neurones

organisés

Levures (unicellulaire invertébré) 6144  -
Ver 18266 302, toutes différentes, fixes, ciblé
Mouche (multicellulaire invertébré) 13338 250000
Souris (multicellulaire vertébré) de 20000 à 25000 40*106
Homme de 20000 à 25000 de 50*10à 100*109

Landu et al. 2001
Venter et al. 2001

Ceci est pour refuter la thèse de "tout naturel/inné", puisque l'homme et le souris ont le même nombre de gènes. Comment peut-on expliquer la croissance exponentielle de nombres de neurones à partir de quasi-stabilité de nombres de gènes ?

Peut-être par l'effet combinatoire, et les interactions, entre les gènes. Voici la part de culturel/acquis. Sachant que les connexions (épigenèse) entre gènes conditionnent la matrice de notre développement embryonnaire.

Il y a une telle concordance entre les gènes de l'Homme et son ancêtre, le singe (plus de 99%), que beaucoup de biologistes déclarent ne pas être  intéressés par leur différence (qu'ils jugent minime).

Or selon Changeux, probablement c'est cette différence qui pourra nous aider à définir la nature humaine. Il faut souligner que l'évolution ne veut pas seulement dire "accroissement", mais aussi la perte de gènes (par exemple de singe à l'Homme).

Langage

Le mécanisme principal de l'évolution épigenèse est  essai et erreur.

L'imprégnation culturelle investit le nouveau né dès le plus jeune age. Les objets culturelles sont des objets pré-catégorisés,  préfabriqués. Apprendre la langue maternelle n'est pas "expliquer", mais un entraînement, un enseignement démonstratif des mots.

croissance ==> redondance transitoire ==> stabilisation sélective ou dégénérescence (et peut-être recroissance, "regrowth" qui laisse ouvert la restructuration fonctionnelle).

L'activité spontané est juste le contraire de l'activité évoquée.

Ainsi on peut affirmer que la neurobiologie n'est pas indépendant de la psychologie.

 

 

jargon aristotélicien : res (réel, objets ectérieurs), conceptus (image mentale) non arbitraire, vox (évocation de conceptus) arbitraire.

Il faut envisager un triangle : pour passer de "REEL, objet" à l'image mentale de l'interprétant (signifié), il faut transiter par une Representanem, représentant auditive (signifiant).                                                      

Ce qui suit est largement inspiré de Tractatus Logico-Philosophicus, de Wittgenstein (voir l'introduction par Bertrand Russell) :

Le langage peut être classé dans 3 catégories : affectif, énergétique, logique (changement d'attitude)

La langue est un système solidaire : un enchaînement (enchâssement) des signifiés.

énoncé = série de symboles

Mécanisme d'apprentissage de la langue : jeux interactifs et jeux cognitifs, système de récompense et évaluation interne. A la naissance, l'enfant a la capacité d'apprendre toutes les langues (Je dirai que le champ des possibles est immense). Pendant le processus d'apprentissage, un sous-ensemble est privilégié ; à l'intérieur duquel les connexions sont établies et consolidés. Mais en même temps, les autres champs deviennent plus inaccessibles. On peut donc affirmer que le mécanisme d'apprentissage de la langue est plutôt réducteur.

Sur un schéma, il montrait que, d'après les scientifiques, c'est la langue Hindou, qui est le moins réducteur des capacités de entendre/prononcer de l'humain.

(Question perso : Est-ce pour cela que, comme Yehudi Menuhin précise sur son disc avec Shankar, la musique indienne peut être considérée comme la musique la "plus complète" ? Je n'ai pas eu l'occasion de faire part de cette remarque à Changeux.)

communication

Le schéma que Changeux propose pour la communication comporte 3 niveaux :

Satisfaction personnelle : Pendant son exposé, Changeux a parlé des "fausses et vraies croyances". A la fin je lui ai indiqué que la croyance, par définition, est toujours fausse ! Il a indiqué qu'il voulait utiliser l'équivalent du mot anglais "belief" ; qui, d'après lui, peut être vrai ou faux (personnellement je n'en suis pas sûr !). Une dame s'est intervenue pour proposer "la foi", à qui Changeux a répondu que ce mot est "faith" en anglais. J'ai indiqué que "la foi" est simplement un cas particulier, une instance, de "la croyance". Et j'ai proposé d'utiliser "la conviction" au lieu de "vraie croyance". Cette proposition a plu à Changeux, qui m'a remercié pour avoir compris son intention (voir son schéma, paragraphe précédent).

En réalité, cette discussion est beaucoup plus vaste qu'elle n'y parait au premier abord !

Ce que quelqu'un comme Changeux comprend nécessite d'énormes efforts de la part de l'immense majorité des gens ; hélas, il est tellement plus facile de "croire" à quelque chose !

Parmi les références que Changeux a donné à la fin, il y en a 4 qui ont retenues mon intention :

Fin de cours !

Mais pas la fin de la vie, voici un article du Monde :

Les origines du langage entre génétique et relations sociales

Je me souviens que Changeux se mettait dans le camp adverse de Chomsky, mais précisément sur quel point ? Ah, la mémoire sélective !

Sur l'aspect héréditaire de devenir un bon linguiste, je n'en sais rien. Par contre, et à tout hasard, je lance une pensée, que je n'oserai pas qualifier d'hypothèse, sur la non-hérédité de devenir fanatique ou dogmatique.

Sur la base du fait bien réel qu'être grandi dans un environnement (familial, social) dogmatique entrave lourdement l'épanouissement (la formation ?) d'un esprit vif et créatif, donc critique, je formule l'hypothèse, question suivante:

"Est-ce qu'une personne, qui est élevé dans un environnement autoritaire et dogmatique, ne perd pas irrémédiablement, au moins une partie, des "capacités" telles que la curiosité intellectuel ou l'esprit critique ?"

Un peu comme le fait que la non-apprentissage d'"autres" langues (étrangères) nous "détruit"  pour toujours la possibilité d'"entendre correctement" certains sonorités plus tard. (Je me souviens d'un collègue Thaï qui nous prononçait 7 "ka" différent, et nous (grecs, français et iraniens) n'en entendions qu'un seul son !)

En claire, est-ce que "l'étroitesse de l'esprit" (certaines intolérances), inculquée très très tôt dans la vie, n'est pas, ou plutôt ne devient pas, infranchissable chez cette même personne une fois adulte ?

Question peut-être naïve, mais vaste (lourde de conséquence) ?? En effet, le confort intellectuel résultant des simplifications (préjugés) peut être tellement bien installé dans le cerveau d'un fanatique, qu'il lui interdirait toute ouverture d'esprit.

Ceci pourra donner une explication sur l'extrême difficulté d'entamer un dialogue constructif avec certains fanatiques.

Puisque vous avez eu la patience d'arriver jusqu'ici, voici un supplément :

Jean-Pierre Changeux, l'homme de l'art