dernière mise à jour :03/10/03

PARADIS

Nous adorons le dictionnaire "Littré", sa partie étymologique est une pure merveille. En voilà la définition :

1° Terme d'antiquité. Grands parcs chez les anciens Perses ; jardins délicieux. Un vieux mot, paradis, que l'hébreu, comme toutes les langues de l'Orient, avait emprunté à la Perse, et qui désigna d'abord les parcs des rois achéménides, RENAN, Vie de Jésus, I, 11.

...

6° Fig. État le plus agréable et le plus heureux dont on puisse jouir.

ÉTYMOLOGIE :

    Bourg. pairaidi ; prov. paradis ; espagn. paraiso ; ital. paradiso ; du lat. paradisus, du grec, jardin. Le grec est un mot persan : zend, pairidaeza, enclos, de pairi, entour, et daeza, rempart, sanscrit deha (e long), équivalent au grec. Le paradis des théâtres vient des mystères, qui représentaient le paradis en haut, la terre au-dessous, l'enfer au niveau du sol.

Et voici une étude plus poussée de l'origine de ce mot (en anglais), grâce à l'excellent site http://www.yourdictionary.com/  :

The Latin root is from Proto-Indo-European *dheigh- "to build, form." In English it became "dough" and "dairy," from Middle English daie "dairymaid," a descendant of Old English dæge "(bread) kneader." "Paradise" comes from the Old Iranian noun pairidaeza-, "a wall enclosing a garden or orchard," composed of pairi "around," and daeza "wall," something else that is built or formed. When the Greek general, Xenophon, reported the lush gardens of the Persian kings enclosed within such walls, the Greek word took on the meaning of the gardens themselves."

Les paradis de ...

Voici ce qui mérite d'être médité sur ce sujet.

Dans un livre en persan, j'ai lu que le concept, donc le mot, du paradis était absent du judaïsme premier. Il a été introduit seulement après des siècles

Dans le christianisme, le concept de paradis a été pris de la religion Zoroastrien, qui aurait imaginé un paradis céleste répondant aux paradis terrestres, jardins somptueux. La plus vieille trace de cette conceptualisation remonte aux peuples Mésopotamien, qui enviaient apparemment les jardins (paradis) de leurs voisins Perses.

L'image du paradis est on ne plus alléchante (pour les hommes, les femmes ne comptent pas !) dans l'Islam (et paraît-il même dans le Coran ?) : les Houris, les femmes lascives, avec du vin qui coule à flots, et bien sûr tout cela dans les jardins somptueux !

Plus on a avancé dans le temps, plus on a rendu cette notion abstraite, pour mieux l'exploiter ! Il va sans dire que nous aimons l'utiliser dans son acceptation première (qui préférerait la copie à l'originale ?). Pour nous, il ne peut y avoir qu'un paradis, terrestre. Est-ce que le grand philosophe utopiste, Charles Fourier, connaissait cette définition quand il disait : "le jardin est l'endroit où le désir s'achève" ?

Alors à ceux qui nous taxe d'athée, on peut répondre que nous chérissons plusieurs Dieux ; parmi lesquel(le)s Pan, le dieu des jardins, qui est aussi celui de la fécondation et du désir exacerbé, concupiscence quoi !

Jacopo Tintoretto, Le Paradis, Paris, musée du Louvre

« Puisque Dieu m'a donné un coeur joyeux, il me pardonnera de l'avoir servi joyeusement »

« Un paradis du Tintoret... une idée insensée réalisée avec le plus beau des génies. Une légèreté du pinceau, un esprit, une richesse dans l'expression que pour admirer et s'en réjouir il nous faudrait posséder le tableau lui-même. »

Johann Wolfgang von Goethe

P.S. Bien des mois après avoir écrit ceci (paradis chez nous), voilà (1:30 du matin 2/7/2002) que je tombe sur ceci d'Aragon :

Il faut protester contre l'expression "Paradis artificiels". C'est un pléonasme.

Vous vous êtes jamais demandé pourquoi vous appréciez plus ou moins une oeuvre d'art ? Je dirais que c'est souvent parce qu'elle nous confirme dans nos positions (d'ou le danger !). C'est la raison pour laquelle les Fabulous Trobadors nous caressent dans le sens des poils quant ils disent :

"Demain c'est la terre promise
 Demain c'est là le paradis
 Demain en Demain s'eternise
 Demain fuit qui le poursuit / demain décourage aujourd'hui "

Connaissent-ils leur père spirituel , le grand Khayyâm, qui a donné la meilleure définition de Paradis dans un de ses quatrains (que vous ne voyez pas encore ici, parce que je ne suis pas satisfait de ma traduction) ?

(juillet 2003)

Extrait de la page de la Radio France consacré à son exposition, fin 2003, au Grand palais :

Gauguin_Xayyam



... on découvre le bijou "D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?". Un tableau testament de près de 4 mètres de large, où le peintre décrit sa vision du paradis. On quitte l’atelier en passant devant les bois qui encadraient la porte du faré (maison) de Gauguin aux Marquises. Le peintre y avait résolu toutes ses interrogations sur le mystère de l’amour en y gravant ces trois mots : "Maison du jouir"

... chez Einstein

Comment ne pas aimer Einstein, je me demande ? Je ne parle pas d'un simple respect, c'est d'aimer qu'il s'agit. Et à travers lui, aimer ce que la Nature a de meiux à nous offrir, digne enfant de Khayyâm. Voici ce qu'il dit sur son parcours pour "devenir un libre-penseur" :

Through the reading of popular scientific books I soon reached the conviction that much in the stories of the Bible could not be true.
...
It is quite clear to me that the religious paradise of youth, which was thus lost, was a first attempt to free myself from the chains of the "merely personal," from an existence dominated by wishes, hopes, and primitive feelings. Out yonder there was this huge world, which exists independently of us human beings and which stands before us like a great, eternal riddle, at least partially accessible to our inspection and thinking. The contemplation of this world beckoned as a liberation, and I soon noticed that many a man whom I had learned to esteem and to admire had found inner freedom and security in its pursuit. The mental grasp of this extra-personal world within the frame of our capabilities presented itself to my mind, half consciously, half unconsciously, as a supreme goal. Similarly motivated men of the present and of the past, as well as the insights they had achieved, were the friends who could not be lost. The road to this paradise was not as comfortable and alluring as the road to the religious paradise; but it has shown itself reliable, and I have never regretted having chosen it.