
A LOI de modernisation sociale fut une belle victoire, aux
yeux du PCF et de Robert Hue. Soucieux des équilibres de sa majorité, Lionel
Jospin avait cédé des avancées significatives. Dimanche 13 janvier, au lendemain
de la décision du Conseil constitutionnel qui censure la nouvelle définition du
licenciement économique, le président du PCF se dit « indigné » et « très en
colère ». « Inacceptable », la décision du Conseil marque, selon lui, « le
succès de l'ultralibéralisme ».
Le candidat communiste à l'élection présidentielle estime que « le Conseil
savait parfaitement que ce n'était pas contre la liberté d'entreprendre mais
contre les licenciements boursiers » que le Parlement avait modifié la
définition du licenciement. « C'est en cela, dit-il, qu'il fait prévaloir une
opinion très politique, épousant les thèses de la droite et du Medef. » M. Hue
ajoute que « cette décision crée un précédent grave ». « A cent jours de
l'élection présidentielle, la situation est extrêmement sensible. Les plans
sociaux vont se poursuivre. Personne ne comprendrait si le gouvernement ne
réagissait pas », estime-t-il. « Je ne me laisserai pas faire et prendrai mes
responsabilités en continuant à mobiliser les salariés, et en particulier ceux
concernés par des plans sociaux », menace-t-il.
A gauche toujours, le candidat des Verts à la présidentielle, Noël Mamère, a
qualifié la décision du Conseil de « réactionnaire » et « provocatrice », alors
que les plans sociaux chez Marks and Spencer et chez Moulinex concernent « à 99
% des licenciements résultant de réorganisations ». « C'est un recul grave que
d'avoir mis en cause cette disposition qui n'était pourtant qu'un pis-aller », a
déclaré M. Mamère. Si Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS de l'Assemblée
nationale, s'en est tenu à la position de Mme Guigou, le député Eric Besson
(Drôme), secrétaire national à l'emploi du PS, a jugé « extrêmement contestable
» et « regrettable », la décision des juges de la Rue Montpensier.
Jean Le Garrec (PS), président de la commission des affaires sociales de
l'Assemblée nationale, la « regrette énormément ». Arnaud Montebourg (PS,
Saône-et-Loire) s'est interrogé : « Que reste-t-il de la souveraineté des
députés ? » avant d'ajouter qu' « il est grand temps d'envisager une rupture
institutionnelle » qui passe, notamment, par « l'abolition du Conseil
constitutionnel dans une nouvelle République ».
A droite, Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, a appelé à « retrouver le
chemin du dialogue social ». Nicolas Sarkozy, invité dimanche du « Grand Jury
RTL- Le Monde -LCI », rappelle que « c'est la huitième fois que sur un grand
texte le gouvernement se fait censurer » et se félicite que les juges
constitutionnels aient réparé une « erreur économique ».
L'ancien ministre du travail et des affaires sociales, Jacques Barrot (UDF)
juge cette décision « opportune » pour « la création d'emplois et les
travailleurs ». Quant au délégué général du mouvement centriste, Hervé Morin, il
a prévu qu'après la décision sur le financement des 35 heures, puis celle sur le
droit de licenciemement, le gouvernement « tombera une troisième fois, sur le
statut de la Corse ».
Les libéraux se sont réjouis franchement. Dimanche, au micro de Radio-J,
Alain Madelin, président de Démocratie libérale et candidat à l'Elysée, a
qualifié le texte censuré de « loi de ringardisation sociale » et de « loi
spectacle ». De son côté, Jean-François Mattei, président du groupe DL de
l'Assemblée nationale, a jugé « légitime et positive » la décision du Conseil. «
L'objectif du gouvernement, n'était pas de sauvegarder l'emploi dans notre pays,
mais de satisfaire à une demande idéologique du Parti communiste », a-t-il
déclaré. « excellente nouvelle »
A l'exception de la CGT, les premières réactions syndicales sont plutôt
nuancées. Alain Deleu, président de la CFTC, a dit « comprendre » la décision,
tout en soulignant que la question du licenciement économique est « l'une des
plus délicates du droit social ». Pour la CFDT, qui avait « mis en garde le
gouvernement contre la faiblesse de la concertation » pendant l'élaboration de
la loi, cette affaire « traduit l'échec d'une méthode ». Marc Blondel,
secrétaire général de FO, estime lui, que le Conseil « désavoue politiquement le
gouvernement » et que le problème des licenciements économiques « reste entier
». Pour la CGT, « de tout temps, le principe de liberté d'entreprendre a été mis
en avant par le patronat le plus rétrograde pour contester toute avancée sociale
».
C'est auprès du patronat, justement, que la décision des neuf juges de la Rue
Montpensier a suscité le plus de satisfaction. Pour le président du Medef,
Ernest-Antoine Seillière, le Conseil constitutionnel « a remis en question (...)
la manière dont le gouvernement et la majorité s'étaient laissé aller à des
dispositions radicalement contraires à l'intérêt de notre pays en matière
d'emploi ». Nullement étonné de cette décision, il s'est dit en revanche, sur
France-Inter, « plutôt surpris que le gouvernement et la majorité fassent mal
leur travail dès que la passion les saisit ».
Denis Kessler, vice-président du Medef, l'a qualifiée d' « excellente
nouvelle pour l'emploi ». « La définition des licenciements économiques
empêchait les entreprises de mener toute restructuration et toute modernisation,
avant le stade extrême précédant le dépôt de bilan », a-t-il expliqué dans un
entretien au Parisien Dimanche. A la veille de son « congrès exceptionnel »,
mardi, à Lyon, l'organisation patronale voit, dans la décision du Conseil
constitutionnel, la « confirmation » de ses analyses.
BEATRICE GURREY ET LAETITIA VAN EECKHOUT